Quand le blé rencontre le pois chiche : une farine née de l’expérimentation collective
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Dans le Tarn, un groupe d’agriculteurs, de chercheurs et un boulanger bio ont testé une idée simple : transformer directement un mélange de blé et de pois chiches sans le trier. Une expérience participative qui révèle tout le potentiel des cultures associées, du champ à la cuisine.
Et si un champ de blé pouvait aussi faire pousser des pois chiches ? Et si, plutôt que de séparer les grains à grand renfort de trieurs, on essayait simplement de transformer le mélange tel quel ?
Du champ à la farine : une idée simple, un pari collectif
Tout est parti d’une intuition : produire, transformer et vendre un mélange de blé et de pois chiches pourrait permettre d’économiser du temps, de l’énergie et des équipements coûteux, tout en valorisant une farine originale.
Dix agriculteurs se sont lancés, expérimentant sur deux ans plusieurs types d’associations de cultures. Le principe : réduire le tri au minimum, puis observer si le mélange pouvait être directement transformé.
Les premiers essais ont concerné un mélange blé-pois chiche, travaillé avec un boulanger bio du Tarn.
Cuisiner la curiosité : quand les consommateurs se mettent à l’essai
Mais produire une farine ne suffit pas. Encore faut-il savoir si elle plaît ! Pour cela, les chercheuses Lucia Brisset et Fanny Raoux (INRAE) et l’agriculteur Jean-Christophe Lapasse ont organisé une enquête participative inédite : des ateliers de cuisine et de dégustation à domicile.
Une cinquantaine de consommatrices régulières des marchés du sud-ouest toulousain ont reçu un échantillon de farine composée de blé et 10 % de pois chiches (le panel comptait 78% de femmes, 50 ans de moyenne d’âge).
Les participantes et participants devaient tester, inventer, goûter, et surtout raconter : qu’ont-elles cuisiné ? Qu’ont-elles pensé de cette farine ?
Résultats et enseignements partagés
Trois quarts des participants utilisaient pour la première fois une farine mélangée, mais la majorité s’en est sortie avec succès. Peu d’adaptations des recettes testées ont du être effectuées.
Les recettes imaginées témoignent d’une grande créativité : tartes salées et sucrées, gâteaux, crêpes, pains, biscuits… Près de 51 % des préparations étaient sucrées, 39 % salées, et 10 % mixtes.
La texture de cette farine a été largement plébiscitée. En revanche, l’odeur du pois chiche a parfois dérouté. Une consommatrice précise :
« L’odeur et le goût prononcés des pois chiches peuvent rebuter certaines personnes.
Mon fils n’a pas dévoré les gâteaux comme il le fait d’habitude ! »
Finalement, sur l’ensemble des participants, seule une personne n’a pas souhaité recommander le produit.
De la ferme à la fourchette, un circuit complet d’innovation
Cette expérience montre qu’un agriculteur peut produire, récolter, trier et moudre un mélange de blé et de pois chiches, et qu’il existe un intérêt culinaire et commercial pour cette farine.
En évitant le tri complet, souvent coûteux et chronophage, et en s’appuyant sur la vente directe, les producteurs ouvrent une nouvelle voie pour valoriser les cultures associées.
Pour les consommateurs, c’est la découverte d’un produit local, original, riche en protéines végétales et sans additifs.
Pour les agriculteurs, c’est la preuve que l’innovation n’est pas qu’une affaire de machines : elle naît aussi de la rencontre entre le champ, le fournil et la cuisine familiale.
Et maintenant ?
Les résultats encouragent à aller plus loin : d’autres légumineuses, d’autres pourcentages, d’autres tests sensoriels. Cette démarche collective illustre la philosophie d’IntercropVALUES : relier la recherche, la production et la consommation pour imaginer des filières locales et durables à partir de mélanges de cultures.
Plus d’informations sur le projet

INTERCROPVALUES
2022-2026
Exploiter les avantages des cultures associées pour concevoir et gérer des systèmes de culture diversifiés, résilients, rentables et respectueux de l’environnement.