Mon tracteur roule au biogaz : trois ans d’essais pour juger

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Six tracteurs T6 Methane Power testés en conditions réelles pendant près de trois ans. Résultat : un potentiel confirmé, mais une équation économique et logistique qui dépend surtout du ravitaillement.

Nassim hamiti FNCuma

Lors du Salon Space 2025 à Rennes, une conférence animée par Nassim Hamiti, Chargé de mission agroequipement à la Fédération nationale des Cuma, a permis de faire un retour d’expérience à travers des références techniques et économiques issues de suivi et essais terrain d’agriculteurs méthaniseurs/Cuma équipés de tracteurs au biogaz

Conférence tracteur bioGaz Space

Un projet collectif pour objectiver le biogaz

Lancé en 2022, le projet “Mon tracteur de ferme roule au biogaz” a réuni l’ADEME, la FNCuma, l’Association des Agriculteurs Méthaniseurs de France et plusieurs partenaires énergétiques. Objectif : comparer les performances techniques et économiques d’un tracteur New Holland T6 au BioGNV face à son équivalent roulant au GNR (gazole non routier).

Six exploitations méthaniseuses, réparties sur plusieurs régions, ont accepté de tester ces tracteurs en conditions réelles. Durant deux ans et demi, chaque machine a été suivie par télémétrie embarquée, essais comparatifs normalisés et enquêtes auprès des utilisateurs.

BioGNV vs GNR : la bataille des énergies

Le GNR reste aujourd’hui le carburant quasi-exclusif du million de tracteurs français, avec une consommation annuelle estimée à 3 milliards de litres. Le BioGNV, issu du biométhane purifié et compressé, offre pourtant un potentiel considérable : les capacités d’injection actuelles et projets à venir pourraient couvrir près de 25 TWh, soit presque les besoins agricoles.

Au-delà de la ressource, les atouts environnementaux sont marqués : jusqu’à 80 % de CO₂ en moins par rapport au diesel, et 95 % de particules fines en moins.

Essais comparatifs : où le BioGNV gagne, où il perd

Des tests en conditions réelles ont confronté deux T6 identiques, seule l’énergie différait.

Travaux lourds (déchaumage, labour) : le T6 BioGNV se révèle plus sobre (≈ 16 kg/h contre 20 l/h pour le GNR).

Travaux de transport (épandage de lisier) : match nul, les deux tracteurs affichent ≈ 11,6 unités/h (kg pour le BioGNV, litres pour le GNR).

Travaux à la PDF (prise de force) : le GNR reprend l’avantage, consommant 9,2 l/h contre 12 kg/h pour le BioGNV.

👉 À retenir : le BioGNV se défend bien dans les chantiers exigeants en puissance, mais perd en compétitivité dans les travaux stationnaires à la prise de force.

Comprendre les unités

GNR : mesuré en litres.
BioGNV : mesuré en kilos.
Un kilo de méthane contient un peu plus d’énergie qu’un litre de diesel. Ce qui compte, c’est le coût pour réaliser le même travail agricole, pas la conversion stricte.

Autonomie : suffisante mais à organiser

Les autonomies observées varient selon les chantiers :

≈ 7 h à l’épandage,

≈ 5 h en travail du sol,

≈ 6–7 h à la PDF.

Dans les faits, ces durées permettent de couvrir une journée, à condition d’organiser les pleins.

Conférence tracteur bioGaz slide

Mais l’enseignement principal est clair : le problème n’est pas l’autonomie, mais la logistique de ravitaillement. Les exploitations dotées de leur station en ferme travaillent sereinement. Celles dépendantes de stations publiques, parfois à 10–15 km, subissent des pertes de temps et d’efficacité.

Check-list pour un tracteur BioGNV

Station fiable : propre ou accessible sans détour.
Profil de chantiers : plutôt travaux lourds que forte prise de force.
Heures annuelles : viser ≥ 1 000 h/an pour rentabiliser.
Aides disponibles : subventions régionales/nationales.
Organisation : plein rapide, ravitaillement mobile, gestion des racks.

Le coût de détention : une équation mouvante

Le T6 BioGNV coûte environ 145 000 € à l’achat, contre 120 000 € pour son équivalent GNR. Pour mesurer sa compétitivité, plusieurs scénarios ont été simulés :

Carburants au même prix (1 €/l vs 1 €/kg) : le GNR reste globalement plus favorable, sauf en travaux lourds.

BioGNV favorable (1 €/kg vs 1,05 €/l) : avantage au BioGNV pour l’épandage et le déchaumage.

BioGNV défavorable (1,50 €/kg vs 1 €/l) : le GNR reprend clairement l’avantage.

Effet volume : en intensifiant l’usage (1 200 h/an), le surcoût initial du BioGNV peut être amorti.

Trois enseignements majeurs

Le ravitaillement prime sur l’autonomie. Sans station fiable, le projet est voué à l’échec.

Le BioGNV est crédible sur les chantiers lourds, avec un vrai gain en consommation.

La compétitivité dépend des heures annuelles et du prix du kilo, plus que de la technique du tracteur.

Et demain ?

La filière avance. New Holland propose désormais un T7 Methane Power, plus puissant, avec 11–13 h d’autonomie en transport lourd. Les Cuma et agriculteurs méthaniseurs négocient la prolongation ou l’achat de leurs T6 après le projet.

Reste à consolider trois leviers pour que le BioGNV s’impose :

Conclusion

Le BioGNV n’est pas une révolution instantanée, mais une alternative sérieuse, déjà compétitive dans certaines configurations. Aux agriculteurs, Cuma et territoires de décider s’ils veulent enclencher la marche.