Marine Boyer, agriculture, audace et solidarité
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Elle a troqué l’open space toulousain pour la bastide aveyronnaise. Dans ce nouvel épisode de Finta le podcast, Marine Boyer, éleveuse de vaches limousines nous raconte comment l’engagement local, la solidarité et la coopération agricole l’ont menée de son exploitation familiale à un poste national…
De l’informatique à l’élevage
Marine Boyer n’avait pas prévu ce virage. Elle a commencé à travailler dans l’informatique, puis s’est envolée pour le Canada avec son conjoint pour travailler dans l’évènementiel, pour finalement revenir en Aveyron avec un projet fou : reprendre la ferme familiale et faire perdurer l’héritage agricole familial.
Mais d’engagement en engagement, ce parcours la mène bien au-delà de ses espérances puisque en juin 2025, à l’âge de 36 ans, elle a été élue présidente de la Fédération nationale des Cuma. Aujourd’hui, elle porte haut et fort les valeurs des Cuma sur le terrain mais également auprès des instances politiques et institutionnelles.
Une voix forte pour une agriculture solidaire et féminine
Elle est l’invitée ce mois-ci du podcast Finta ! L’Aveyron par ses voix,
Dans cet épisode, enregistré sur son exploitation à La Bastide-l’Evêque, Marine Boyer raconte à la journaliste Lola Clos, ses racines, sa vision de l’agriculture, le rôle encore trop discret des femmes dans ce secteur, et de son ambition pour l’avenir : remettre le collectif au cœur des l’agriculture. Avec une parole libre, ancrée, et un sens de l’engagement profondément inspirant, elle incarne une nouvelle génération d’agricultrices… qui n’a pas peur de déranger.
Écouter le podcast
#48 Marine Boyer : et si la mutualisation était « la » réponse aux défis agricoles ?
Bonne écoute et pour ceux et celles qui le souhaitent, le podcast est transcrit ci-dessous
Transcription du Podcast
Lola CLOS, journaliste de Finta !
Explorer les basculements d’une époque, sentir frémir des énergies, voir les ruralités se transformer avec celles et ceux qui les provoquent, les repensent et les bousculent. FINTA, c’est le podcast qui nourrit les esprits, des envies d’agir et des espoirs très concrets à l’échelle locale. Finta donne à entendre l’Aveyron à travers celles et ceux qui ont choisi d’habiter ici et maintenant. Je suis Lola Cros et j’arpente ce bout de campagne depuis douze ans comme journaliste. Avec Finta, je vous invite à pousser la porte de vos voisins, à croiser des regards, à finter de plus près.
Et ça commence tout de suite. Quand elle a plaqué sa vie d’avant, Marine Boyer n’imaginait pas que huit ans plus tard, on lui réclamerait des selfies. Pas plus qu’elle n’imaginait côtoyer les plus grandes figures politiques et syndicales agricoles toutes les semaines. Si elle avait choisi de s’installer comme éleveuse de vaches limousines sur le Ségala, c’était d’abord pour s’inscrire dans sa lignée familiale avec son conjoint Loïc. Après une installation chaotique, c’est son engagement dans des associations locales d’entraide qui lui ont permis de s’intégrer pleinement dans le paysage agricole aveyronnais.
Et c’est ce même engagement, vraisemblablement héréditaire, qui l’a propulsé dans une autre dimension. Voilà donc Marine Boyer, 36 ans, présidente de la Fédération nationale des Cuma, créée après la 2nde Guerre mondiale pour permettre aux agriculteurs de mutualiser du matériel et de la main d’œuvre. On compte aujourd’hui en France plus de 10 000 Cuma. Concrètement, un agriculteur sur 2 en France adhère à une Cuma locale. Et si elles fêtent aujourd’hui, en 2025, leurs 80 ans, c’est la première fois de leur histoire qu’elles ont à leur tête une femme.
Et c’est sur sa ferme, à la Bastide-l’Evêque, que je retrouve Marine Boyer. De la place des femmes dans l’agriculture française aujourd’hui, de la coopération et de l’entraide, salvatrices pour les agriculteurs face aux défis environnementaux, du dialogue, par-delà les clivages politiques et syndicaux, Ce sont autant de sujets que l’on a abordés ensemble à travers son parcours. Bonne écoute.
Marine BOYER
Alors ici, on est dans la maison familiale sur plusieurs générations. Et c’est vraiment un lieu qui vraiment, qui auquel je tiens énormément. Effectivement, mes arrière-grand-pères, enfin voilà, il y a vraiment plusieurs générations qui ont vécu dans cette maison. Et même moi quand j’étais petite, en fait, on était 3 générations à vivre ensemble, mes grands-parents, mes parents, ma sœur et moi. Donc il y a vraiment une histoire avec cette maison.
Ça a toujours été un lieu d’accueil pour la famille, voilà, ça a toujours été une terre d’accueil et donc reprendre un peu cette maison, c’était tout un symbole et ça fait aussi partie de l’idée de reprendre l’exploitation. En fait, c’était aussi reprendre la maison avec. Les gens viennent dormir ici, les gens viennent vivre ici avec nous et donc c’est tout ça que je voulais hériter, voilà. Mais au quotidien, vous êtes que deux. Oui, au quotidien on est que 2, voire 4 avec les 2 gros toutous qui nous accompagnent.
Les vaches aussi, le lapin, les chats. Non, non, au quotidien on est que 2.
Lola CLOS
Ouais donc on n’a pas précisé, mais on est sur la commune de La Bastide-l’Evêque. Entre Rieupeyroux et Villefranche, pour situer peut-être un peu, peut-être juste un petit mot sur l’univers qui nous entoure. Bon alors moi je ne m’y attendais pas en rentrant dans une maison d’agriculteurs d’agricultrices sur les fermes, je ne suis pas habituée à cette décoration. Qu’est-ce qu’il y a autour de nous alors.
Marine BOYER
Ben autour de nous il y a un univers en fait, c’est ça, c’est que pour se sentir bien chez soi, je pense qu’il faut que la maison reflète un peu. Ce qu’on est, on vit dans des lieux qui nous ressemblent et pas trop dans des modèles aseptisés avec les meubles, tout est gris. Et puis il y a un mur rouge et puis la cuisine est blanche. Donc là pour le coup, c’est les jeux vidéo, les dessins animés un peu vintage, voilà les livres, beaucoup.
Et puis voilà un univers chaleureux. Un peu d’agriculture aussi, on ne l’a pas vu, mais dans le salon il y a un peu d’agriculture, mais des photos évidemment, des photos de nos voyages, de nos proches et voilà, c’est pour. Je crois que pour se sentir bien chez soi, faut se le personnaliser quoi.
Lola CLOS
Alors moi dans mon champ de vision, je t’ai toi et j’ai une immense affiche d’Alice au pays des merveilles. Donc voilà je vois ça et j’en suis ravie pour échanger avec toi. Tu nous parles de ta famille donc comme quoi tu as tu as grandi dans ce cocon-là sur avec plusieurs générations regroupées sous le même toit. Dans quelle famille est-ce que tu as grandi ?
Marine BOYER
Qui sont-ils, ses parents, grands-parents, ses parents, ses grands-parents, ce sont des gens engagés. Bon déjà aimants, qui aiment la nature aussi, les animaux beaucoup. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours vu des chiens, énormément de chiens à la maison, des chats, enfin voilà, j’ai grandi avec tous ces animaux et l’amour de ces animaux. J’ai grandi avec, je disais, des gens généreux, qui ont donc via le sens de l’accueil, c’est sûr, mais qui ont toujours voilà donné aux gens.
Et puis le sens de l’engagement, parce que ce soit à chaque génération et même du côté finalement de ma maman qui est sur évidemment une autre maison, mes grands-parents ont toujours été investis et engagés. Donc pour le coup, ici, mes deux grands-pères étaient à la municipalité. Finalement, j’ai toujours vu mes parents s’investir dans des associations du village. Voilà donc en fait, et mon père aussi à la municipalité. Donc au final, un sens de l’engagement qui se traduisait par, Eh bien, si on veut que, si on veut que notre territoire vive, si on veut que le village y vive, il faut, s’y, il faut s’y investir.
Je crois que c’est des valeurs qui nous ont été transmises à ma sœur et moi. Est-ce qu’ils travaillaient tous sur la ferme ? Non, alors bon, mes grands-parents, oui, donc avec ma grand-mère sans statut, je sais que tu as rencontré Marie-Thérèse Lacombe, donc tu sais ce que c’était à cette époque-là. Ma maman était professeure des écoles, elle est à la retraite, et donc mon père était seul sur l’exploitation, voilà. Elle ressemblait à quoi l’exploitation du temps de ton père ?
Alors, du temps de mon père, c’était 35 hectares avec à peu près une trentaine d’animaux, avec des pratiques sans pesticides depuis 1989, parce qu’il avait suivi une formation à la chambre d’agriculture. Et puis, il avait été accompagné d’un ami, pour arrêter justement les pesticides et pour voir quelles étaient les solutions alternatives. C’était une petite exploitation qui a eu, comme toutes les exploitations pendant la vache folle, des difficultés.
Mon père a accumulé à un moment donné un deuxième emploi, en plus de l’exploitation de chauffeur laitier. Est-ce que toi, petite, tu rêvais d’être agricultrice ? Oui, déjà enfant, avec ma sœur, on était tout le temps dehors. On était tout le temps avec les animaux, tout le temps à jouer au tracteur à pédales, tout le temps dans les pattes de notre papa. Et en grandissant, j’ai aidé mon père aux travaux de la ferme, ma sœur également.
Et donc au collège, oui effectivement la, question s’est posée, mais vu le contexte économique, donc encore une fois cette crise sanitaire, qui ? Qui ? Qui frappait les exploitations à l’époque ? Eh Ben mes parents ne souhaitaient pas que je m’oriente dans un lycée agricole ou et que je fasse autre chose, une filière plus générale. Et donc je suis partie effectivement pas du tout dans l’agriculture, je suis partie faire de l’informatique.
Donc à Toulouse pour tes études, c’est ça ? Oui, c’est ça. J’ai fait mes études à Toulouse et puis un stage qui a amené un CDI dans une entreprise toulousaine et pareil, donc développer un logiciel dans une entreprise toulousaine. Et c’est vrai que ça a été une expérience aussi. C’était quand même un milieu que j’aimais, c’est-à-dire que si on revient à l’ambiance de la maison, l’ambiance de ma, Ma chambre, quand j’étais enfant, c’était, je récupérais tout ce qui était hi-fi, ordinateur.
Donc en fait, à un moment donné, dans ma chambre, il y avait une télé, un magnétoscope que j’avais récupéré. Mes parents n’ont jamais acheté. De télé ou de magnétoscope, mais je me débrouillais en fait. Et l’ordinateur, c’était pareil. J’avais récupéré l’ordinateur d’un ami à mes parents, j’avais récupéré un autre ordinateur et j’étais tout le temps en train de bidouiller dessus quand il pleuvait dehors. C’est-à-dire que quand il faisait beau, j’étais dehors, mais quand il ne faisait pas beau, j’étais dedans à bidouiller mes choses. J’avais trouvé des consoles de jeux çà et là, donc c’est pareil, je jouais beaucoup à la console et donc je suis allée, je suis allée vers là quoi, tout simplement.
Lola CLOS
Quand tes parents te disent bon, va peut-être voir ailleurs, la conjoncture n’est pas bonne dans l’agriculture, toi tu ne le vis pas comme un renoncement pour autant.
Marine BOYER
Non, parce que je crois qu’à cette époque-là, on n’est jamais trop sûr de ce qu’on veut faire dans la vie. Et en plus, il y avait un contexte qui faisait peur aussi quand même. Et en fait, je ne m’étais jamais posée aussi, je pense, à cette époque-là, la question de un jour, la ferme peut disparaître. Tu sais, ça reste un moment où tu te dis que tout ça, c’est à ton papa que ça va rester comme ça toute la vie, et que même si je suis informaticienne à Toulouse, je peux rentrer les week-ends pour être sur l’exploitation, voir des animaux, aider mon papa.
Donc, il n’y avait pas un renoncement parce que je ne sentais pas que j’abandonnais quelque chose.
Lola CLOS
Toulouse, tu y restes combien de temps finalement.
Marine BOYER
Toulouse, en tout, j’y reste bien 5-6 ans. Et après, je pars à… Après, l’expérience toulousaine, c’était aussi vivre en appartement, donc très difficile, que ce soit pour mon conjoint ou moi, on n’était absolument pas bien dans cette vie-là. Et donc, on a décidé de partir au Canada. on a obtenu un permis vacances travail, à l’époque où c’était un petit peu le tirage au sort, quoi, pour l’obtenir.
Et donc on a réussi à l’obtenir et on est parti un an et ça a complètement chamboulé notre vie et ça a complètement remis en question nos projets. Et donc, une fois là-bas, on a pris conscience, je pense tous les deux, des patrimoines de nos parents, des entreprises, de ce que ça signifiait pour nous, de l’importance que, comme je l’ai expliqué au début, la maison, etc., mais aussi l’exploitation, et de cette envie aussi de vivre la vie dehors.
Et donc, on s’est dit, est-ce qu’on ne deviendrait pas agriculteurs.
Lola CLOS
Donc, c’est vraiment au Canada que vous avez cette idée-là. Qu’est-ce que vous avez fait au Canada pendant un an ? Vous avez travaillé où ?
Marine BOYER
On a travaillé dans l’événementiel, donc on est resté six mois à Montréal et puis six mois à Québec. Et à six mois à Montréal, on a travaillé six mois dans l’événementiel. Et à Québec, c’était pareil, on a fait des petits jobs un peu dans l’événementiel et puis on a trouvé d’autres jobs comme ça, mais voilà. On a toujours travaillé tout le long et le deal, c’était qu’on avait très tôt dans le voyage, on a acheté une voiture pour, vadrouiller un peu partout. Mais vous n’aviez pas envie de voir des pratiques agricoles, vous n’en étiez pas là pour autant ? Si, ce qui est rigolo, c’est qu’en fait, c’est là où on a vu aussi notre intérêt, mais je ne sais pas si c’est le destin, mais en fait, quand on a déménagé à Québec, dans une maison, dans un sous-sol, ça se fait beaucoup au Québec, on vit sous les maisons en demi-sous-sol.
Au-dessus de ce demi-sous-sol, notre propriétaire, Suzanne, qui est devenue depuis une amie très proche. Et dans cette famille-là, le papa de Suzanne a travaillé à ce qui s’appelle le Crédit Agricole au Québec, mais ce n’est pas la banque que l’on connaît, c’est vraiment un service d’accompagnement au conseil, à la gestion des exploitations, etc. Et donc, très vite, les sujets agricoles sont arrivés.
et donc il nous a proposé effectivement de nous intéresser au monde agricole québécois. Et ça, a été très riche de connaître. Ouais de connaître cet aspect-là aussi. Et ça nous a fait encore plus mûrir nos idées parce qu’on s’est dit Ah oui mais en fait, si même là-bas on trouve intérêt à parler d’agriculture, c’est que c’est le moment quoi.
Lola CLOS
Donc ton conjoint, pour le coup, vient aussi d’une d’une famille d’agriculteurs donc. Au moment où vous vous dites OK, on veut rentrer et on veut s’installer, vous avez deux fermes sur les mains. Comment ça se passe à ce moment-là.
Marine BOYER
Eh bien déjà, ça se passe qu’il faut convaincre les parents, enfin convaincre, oui et non, parce que ça reste un choix personnel, donc on est quand même libre de faire ce qu’on veut. Mais ça reste leur entreprise, ils vont la céder parce qu’ils vont partir à la retraite. Donc c’est quand même être sûr que notre projet leur parle. Et donc en fait, on fait venir mes parents d’abord 15 jours au Québec, pour leur faire visiter évidemment le pays dans lequel on vit depuis tous ces mois. Et puis on leur a aimé l’idée qu’en rentrant, il y aura peut-être une installation ou deux, voilà, une reprise.
Et puis on fait venir les parents de mon conjoint, pareil, 15 jours, et on leur a aimé la même idée. Et puis au final, Donc, les mamans étaient très inquiètes parce que la reprise d’exploitation agricole, alors que finalement, on était deux diplômées avec potentiellement de bons jobs et pouvant aller à de bons salaires. Là, on veut devenir agriculteur. Donc voilà, avec toutes les difficultés qu’ils ont vécues avant nous, je pense que ça résonnait un peu mal en eux.
Et puis en fait, les papas étaient super fiers de voir leur outil perdurer dans le temps. Et donc l’idée de départ, c’était quand même de s’installer chacun de son côté, de ne pas faire forcément un GAEC, mais de s’installer chacun de son côté. Et puis en fait, c’est lors du parcours à l’installation qu’on a changé notre projet. Et les deux fermes sont distantes de 18 kilomètres. Il y avait aussi cette notion d’organisation, d’aspect collectif, de dire que, eh bien, on avait aussi des loisirs, des moments qu’on voulait pour nous, et que si on avait chacun nos exploitations de chaque côté, l’organisation allait être vraiment compliquée pour le côté personnel si tu veux.
Lola CLOS
Donc comment vous avez scindé ? C’est quoi l’organisation ? Qu’est-ce qu’il y a là-bas ? Qu’est-ce qu’il y a ici ? Comment vous naviguez entre les deux ?
Marine BOYER
Alors aujourd’hui, ici, on a le troupeau principal, notre production principale, donc les mères, les limousines, les vaches. Et là-bas, on se retrouve plutôt avec les réformes, donc les mamies et les petites génisses qui restent là-bas juste avant le vêlage. Donc dès qu’elles sont prêtes à vêler, en général, on essaie de les faire venir ici pour s’occuper du vêlage, et cetera. Mais c’est vrai que le troupeau qui demande le plus d’attention est ici avec nous.
Lola CLOS
Récemment, quand tu as eu l’occasion de t’exprimer sur ton parcours, que cette installation-là, elle a été chaotique, c’est un mot qui est ressorti qui est fort. Pourquoi ?
Marine BOYER
Parce que en fait, ce n’était pas seulement sur le contexte extérieur, c’était aussi sur un contexte plus personnel. C’est à dire qu’en fait j’ai, je crois que on a réalisé. Je vais, je vais dire on parce que je pense que lui aussi il n’y avait pas que moi. Mais on a réalisé que c’était vraiment le parcours du combattant, mais pas seulement administratif, c’était aussi un parcours dans la tête. Le parcours à l’installation, il est tellement semé d’embûches. Si tu n’es pas pleinement motivé à devenir agriculteur ou agricultrice, je pense que tu n’arrives pas au bout.
Donc en fait, c’est cette force mentale de se dire, il ne faut rien lâcher, il ne faut pas se laisser détourner par soit, Le voisin qui dit qu’on ne sera pas capable de tenir l’exploitation ou par les parents qui disent mais vous êtes sûr que vous ne voulez pas faire un truc à côté ? Parce qu’économiquement peut-être ça ne va pas le faire ou pas. Enfin voilà, on va dire que toutes les peurs que les gens nous mettent sur nous, il faut savoir les surmonter pour se dire non mais je suis sûr de moi, je veux y aller quoi. Et en fait c’est ça, c’est que le côté chaotique, ça a été de se battre pour le foncier.
et en même temps de se battre pour convaincre les gens de ce que nous, on était persuadés de vouloir faire. Et ça, déjà, en plus de l’énergie de s’installer, de créer une entreprise, de signer sur des prêts qui engagent quand même pas mal de sommes, sur des durées aussi de fermage, etc., on se rend compte que là, notre vie aussi, elle bascule, elle bascule, en fait, parce que ça reste un engagement fort de cette année en agriculture.
En plus, on va sur du vivant sept jours sur sept, donc il y a vraiment une idée que la vie va changer, que vraiment ça va switcher.
Lola CLOS
Mais on peut avoir l’impression, quand tu prends la suite de ton père, de ta mère, que tu restes dans la famille, que ces embûches-là, elles sont moindres. On a presque l’impression que c’est une continuité. Alors toi, tu as dû créer une nouvelle entreprise, enfin tu n’es repartie pas de zéro, mais presque.
Marine BOYER
En fait, c’est à dire que si on prend la base qu’on a annoncée tout à l’heure sur l’exploitation de mon père, donc je disais 35 hectares, une trentaine de vaches, le projet aujourd’hui il est de 135 hectares pour 90 mères, donc 90 mères ce n’est pas 90 vaches, c’est les veaux, c’est les réformes, c’est les génisses en plus au total je sais pas moi d’animaux, je te parle pas en UGB mais d’animaux sur l’exploitation oui on est presque à 200 quoi. Donc en fait, il y a quand même, c’est un autre projet pour moi.
Oui, j’ai repris l’exploitation de mon père, mais on l’a fait évoluer considérablement. Donc on est quand même sur d’autres investissements, sur d’autres perspectives économiques, et du coup, oui, c’est la reprise d’exploitation, mais avec, voilà, je ne peux jamais, En fonction, même à la base, au départ, à l’installation, je ne peux jamais me référer aux chiffres de mon père, à ce que faisait mon père, et cetera, sauf dans les pratiques culturales, parce que finalement, c’est la seule chose qu’on a gardée.
C’est à dire que les pratiques culturales, on a fait labelliser la ferme en bio parce que là où mon père faisait les pratiques depuis 89, il n’a jamais pris le label parce que contraignant administrativement. Donc en fait, on se retrouve quand même dans un schéma où voilà, il y a quelque chose qui ressort de l’héritage, mais on est sur un projet complètement différent.
Lola CLOS
Tu as aussi dit que ton entourage proche a priori te disait : « mais peut-être laisse ton compagnon s’installer tout seul, toi va voir ailleurs ». Pourquoi on te renvoyait ça d’après toi.
Marine BOYER
Alors déjà parce qu’on est sur des territoires ruraux avec des croyances limitantes. Où on pense que les femmes sont un peu moins capables d’être avec les animaux, je pense, de gérer tout ce qui est bovins, et cetera. Je pense que l’entourage s’est dit, Bon Ben voilà, vous allez être dans une situation économique qui sera difficile parce que pour eux, ça l’était. Laisse, laisse ton conjoint s’installer, va faire institutrice, va travailler dans l’entreprise informatique qu’il y a à côté.
Et tu l’aideras le week-end et c’est OK. » Ouais, c’était vraiment ça le discours. Il faut savoir que quand même, c’est que même moi, pendant le parcours, je me suis dit « OK, je vais regarder pour passer le concours pour devenir prof des écoles, mais en fait, non. Bon, je vais regarder l’entreprise d’à côté, qu’est-ce qu’elle demande comme prérequis pour travailler chez elle, mais en fait, non, je pense que c’est quand même mon copain. Mon conjoint qui m’a qui a dit que non mais stop, arrête d’écouter tout le monde.
Là ton projet c’est c’était le mien aussi et on partait pour être agriculteur, agricultrice, on continue vers ça quoi.
Lola CLOS
Tu faisais référence à Marie-Thérèse Lacombe, donc elle qui raconte vraiment les conditions des agricultrices dans les années 50, 60, 70 et. en fait ce qu’on lit un peu dans ton parcours, c’est que. Oui on a évolué, oui il y a un statut aujourd’hui reconnu pour les femmes agricultrices, mais ces croyances limitantes-là font que l’évolution, elle n’est quand même pas flagrante. Et ce n’est pas facile aujourd’hui encore de s’installer, d’être reconnue, d’être respectée dans son rôle. Et pourtant 1/3 des installations aujourd’hui en Aveyron sont faites par des femmes.
Donc on en est où d’après toi ? Comment tu le regardes ce constat-là.
Marine BOYER
Ben c’est compliqué parce que. Personne n’a la même vision. Il y a des femmes qui ne ressentent pas du tout le fait d’être une femme en agriculture, et puis il y en a d’autres qui se sentent vraiment persécutées. À côté de ça, il y a quand même des efforts qui sont faits. Néanmoins, on est quand même sur des comportements, mais surtout sur le terrain, qui restent, comme je le disais, avec des croyances limitantes, qu’une femme elle n’est pas capable, et puis le tracteur il est beaucoup trop gros, mais ça ne vient pas que des hommes.
ça vient aussi des femmes elles-mêmes. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, une femme qui s’installe avec son mari, et même à 40 ans, c’est « Oh non, moi le tracteur je ne monte pas, c’est trop gros ». Et ça pour moi, ce n’est pas entendable, parce qu’une femme qui a fait le choix d’être agricultrice doit pouvoir maîtriser l’ensemble des tâches de son exploitation. Et ça, Ça implique aussi le tracteur, conduire le tracteur. Aujourd’hui, il n’y a pas plus simple pour conduire un tracteur, c’est bourré de boutons, direction archi-assistée.
C’est-à-dire que quand j’ai commencé à conduire un tracteur, à sept ans que je pouvais toucher les pédales, c’était le Someca de mon grand-père, c’était super dur de direction, et cetera. Donc là, je pense qu’on est quand même sur des facilités et voilà. Mais je pense que la difficulté dans la reconnaissance, C’est peut-être aussi l’image que l’on renvoie, c’est-à-dire des fois d’être un petit peu plus effacé, de ne pas vouloir se mêler à certaines décisions parce qu’on pense qu’on n’a pas la compétence technique pour en parler.
Tout le monde a la capacité de, quoi. Je veux dire, ce n’est pas un homme qui arrive mieux à réfléchir sur un tracteur qu’une femme, quoi. Mais la question n’est pas réglée, c’est certain. Il y a toujours un sujet pour moi.
Lola CLOS
Quelles ont été toi les stratégies que tu as mises en place pour te faire ta place, pour forcer quelques portes et pour ne pas avoir à t’excuser d’être une femme ici ?
Marine BOYER
Bah alors déjà j’ai la chance d’être la fille de mon père parce qu’il a eu 2 filles. Et qu’il nous a mis sur les tracteurs très tôt parce qu’il avait besoin aussi que des fois pour distribuer le maïs aux vaches ou quoi, on puisse tenir le volant du tracteur pendant que lui faisait tomber les épis au sol. Pareil, il avait besoin de nos petites mains pour aller des fois dévisser des trucs dans les moteurs, les machins comme ça. Donc il nous a toujours, voilà il n’a jamais considéré que comme on était des filles, bon.
Vous allez rester dans la maison avec maman et faire la cuisine et parce que ma mère aussi était pas comme ça. Voilà, ma mère a toujours été quelqu’un qui s’était, qui s’est beaucoup investie dans sa carrière, qui a beaucoup évolué. Et pour elle, c’est important que pour qu’une femme s’accomplisse dans sa vie, elle sache faire tout ce qu’elle veut faire quand elle veut faire un métier quoi. Donc en fait ma place, je l’ai trouvée aussi par les compétences.
Que j’ai eu. J’ai réussi à avoir de mon père quand j’étais plus jeune et en fait quand je suis arrivée dans ce métier, je me suis pas du tout dit Oh là je pars de 0, ça va être dur tout ça tout ça. Non non, je j’avais déjà reculé avec une remorque, je savais déjà faire plein de choses et donc j’étais déjà assurée et pour m’assurer plus avec si tu veux le territoire. C’était de se dire, j’ai repris en fait le poste de trésorier de la Cuma de mon père, et puis j’ai dit, je vais intégrer le conseil d’administration de la Cuma locale, comme ça en fait, je m’intègre.
Bonjour, je m’appelle Marine, j’ai 34 ans, je viens de m’installer, enfin non, en fait j’avais 28, mais bon bref, je viens de m’installer, ravie de vous rencontrer, on se connaît depuis que je suis petite, mais en fait on ne se connaît pas vraiment. Et on a qu’à apprendre à se connaître et travailler ensemble. Quoi.
Lola CLOS
Et t’as eu quoi comme retour à ce moment-là.
Marine BOYER
Ben en fait très bon parce que pendant l’installation personne ne nous connaissait vraiment. Donc c’était beaucoup de on dit beaucoup de ils n’en seront pas capables. Ils viennent de la ville, ils ont fait d’autres métiers, ils ne connaissent rien à l’agriculture. Mais au final, après, quand on s’investit dans ce genre de structure associative locale, vraiment, on ne peut pas être plus local qu’une Cuma, et bien là, ça ouvre des perspectives. Les gens nous voient autrement, apprennent à nous connaître, et puis de toute façon, on est là maintenant, donc il faut nous prendre.
Lola CLOS
Donc les Cuma, je rappelle rapidement, ce sont ces groupements d’achat et de mise en commun de matériel agricole qui ont été créés après la Seconde Guerre mondiale pour permettre aux agriculteurs d’acheter en commun justement un tracteur quand c’était dur d’avoir un tracteur sur chaque ferme. Donc on mettait en commun notamment tous ces matériels-là. Tu es la première femme présidente de la Fédération nationale des Cuma. Ça, c’est quand même assez. Alors avant d’arriver à cette élection, à ce mandat que tu as commencé en juin 2025, pourquoi tu as souhaité passer de la Cuma communale à la Cuma Villefranchoise départementale, puisque tu avais aussi tu t’es investie, c’est ça la fédération départementale des Cuma de l’Aveyron.
Et pourquoi passer au national ? Alors qu’est-ce qu’il dit cet engagement-là.
Marine BOYER
Alors déjà oui, comme je disais, ça part de la base, reprendre le poste de trésorier de mon père, de comprendre le fonctionnement de ces petites coopératives donc où on mutualise du matériel mais aussi de la main d’œuvre et en fait comprendre que c’est aussi là que se passent les discussions sur les besoins des entreprises de chacun. C’est là où se passe un petit peu, Voilà, les synergies entre agriculteurs, l’entraide, la solidarité, le respect et la créativité finalement de ces groupes.
Et donc, très rapidement après avoir pris ce poste de trésorier à la Cuma du Villefranchois, qui est une inter-Cuma, nous ce qu’on appelle une inter-Cuma, c’est-à-dire une Cuma qui rayonne sur un espace un peu plus grand qu’une Cuma, parce qu’elle a du matériel un peu plus performant. Eh bien, très rapidement, en fait, j’ai des collègues de cette Cuma qui sont venus me voir et qui m’ont dit : « En fait, Marine, il y a le réseau Cuma qui accompagne les Cuma, parce que moi, j’ai toujours vu l’animatrice venir, mais on ne s’intéresse pas vraiment au réseau, on sait qu’elle vient, qu’elle nous aide.
Je réalise que l’accompagnement des Cuma, l’accompagnement de ces collectifs, l’accompagnement des agriculteurs, c’est quand même quelque chose d’assez incroyable. Et en fait, rapidement, j’ai pris, des responsabilités, et j’ai été repérée par le National pour une mission en fait, c’était d’être élue au Haut Conseil de la coopération agricole. Donc en fait, c’est le conseil, si tu veux, qui va délivrer les agréments aux coopératives agricoles en France.
Et en fait, je m’épanouis tellement dans cette mission qu’en fait je me retrouve à ce que le Haut Conseil me propose une formation, Sciences Po Paris et en collaboration avec l’IFCAM du Crédit Agricole, et donc une formation qui est en fait un certificat sur six mois qui s’appelle « Gouvernance d’une entreprise coopérative » où finalement je parfais un petit peu cette formation, c’est-à-dire que via cette expérience au conseil où j’étais déjà depuis deux ans.
Eh bien, j’avais déjà pas mal de bagage juridique, mais alors là, je suis arrivée à Sciences Po et l’IFCAM avec le bagage aussi fiscal. Et puis la gouvernance aussi. Comment on fait pour gouverner dans une coopérative et comment on fait pour conduire un conseil d’administration ? Et comment on fait ? Voilà. Et puis donc là, je sens que je prends de encore plus de bouteilles. Et là, j’avais vraiment cette envie de dire : je ne veux plus être seulement spectatrice ou rapportrice de ce que la Fédération Nationale doit faire, je veux aussi m’impliquer pour que moi aussi je participe aux décisions qui peuvent faire avancer le droit des Cuma et ce qu’elles ont le droit de faire sur le terrain et comment elles peuvent mieux se développer.
Et donc l’idée au départ, ce n’était pas ce poste de présidente, je ne suis jamais arrivée là en me disant « je vais être présidente de la Fédération Nationale des Cuma, ça n’a jamais été une ambition personnelle ». Là, je me suis dit, j’ai pris la bouteille, je suis formée, le réseau aussi a investi en moi, le Haut Conseil et le réseau Cuma ont investi en moi, donc je vais rejoindre le bureau, c’est ce qui était souhaité. Au fur et à mesure des mois, des semaines, etc, et bien en fait, je comprenais que je pouvais aussi amener quelque chose en étant présidente. Ça pouvait paraître tôt pour certains parce que je n’ai que 36 ans, alors je suis trop vieille pour le foot, mais trop jeune pour l’agriculture. Mais voilà, en fait, c’était le bon timing parce que les idées je les avais là, je les maîtrisais maintenant et qu’à ce stade, là où est le réseau Cuma, la Fédération Nationale des Cuma, j’avais quelque chose à apporter. Donc en fait, au final, j’ai levé la main et j’ai dit « bon en fait, je me présenterai bien présidente ».
Et en parallèle de ce lever de doigt, qui a été un peu timide au début, c’était plutôt en mode « non, mais si personne ne veut y aller, j’y vais ». En fait, il y avait du monde qui voulait y aller aussi, mais j’étais « bon, mais on peut s’entendre et tout ça, mais bon voilà ». En fait, j’ai passé, je ne sais pas moi, 30 oraux du bac au téléphone, j’exagère, mais ce que je veux dire, c’était que c’était beaucoup de téléphone, convaincre des gens, parler de ma vision, de ce que j’imaginais pour le réseau, et c’était en fait de se dire « j’ai vraiment une idée et on peut y aller tous ensemble et venez avec moi et ça va être chouette » et donc voilà, on en est là aujourd’hui.
Je me suis toujours dit que si ça ne passait pas, ça ne passait pas et puis je ferai autre chose dans le réseau, mais dans le réseau.
Lola CLOS
Donc on est, on est ce jour-là de juin. Qu’est-ce qui te traverse l’esprit à ce moment-là ? Sachant que donc ça fait moins de 8 ans que tu es installée. Donc en fait toutes ces tous ces changements, toutes ces évolutions, elles ont eu lieu quand même dans un laps de temps assez court. Et tu te retrouves première femme, présidente de la fédé nationale des Cuma. Il y a quoi dans ta tête ce jour-là.
Marine BOYER
Ben déjà, j’avais 8 ans d’installation. Le réseau d’investissement quand même assez important. Le jour, jour, jour de l’élection, beaucoup de pression, on s’imagine. J’avais un petit discours à faire juste à la fin de la journée après mon élection. Je me suis blindée au max parce que j’étais, oui, je ne voulais pas que ça transparaisse trop. Ce n’est pas, pour moi, ce n’était pas la concrétisation.
Si tu veux, quand j’arrive sur scène et qu’on dit Marine Boyer et puis nouvelle présidente de la FNCuma, que les gens m’applaudissent et se lèvent, je me dis, j’essaye de me blinder quoi, de faire, je ne suis pas là, je ne vis pas ce moment, je sais pas, je ne réalise pas en fait. Et c’est même la soirée se passe, les gens viennent te féliciter, tout ça, tout ça. Et là encore, je pense que je ne réalise pas la portée en fait de ma décision. Donc en fait, j’ai pris mon ordinateur, je me suis calée avec les équipes de la FNCuma, je l’ai ouvert et en fait, à partir du moment où on s’est mis à travailler, je me suis dit non mais c’est ma place.
C’est go, on y va et il y a plein de choses à faire et c’est parti.
Lola CLOS
Justement, tu y vas avec quelle envie ? Qu’est-ce que tu as envie de porter sur ce mandat, les priorités.
Marine BOYER
Aujourd’hui, comme pas mal de structures, on a quand même ce souci de la baisse du nombre d’agriculteurs. Ça fait dix ans qu’on dit que dans dix ans, il y a la moitié des agriculteurs qui partent à la retraite. Et nous, demain, en fait, c’est comment on accompagne, on continue à accompagner les Cuma. Sans que on perde un peu ce maillage territorial. Après, c’est toute la question de décarbonisation de l’agri, de décarbonation de l’agriculture.
Et aujourd’hui, on se doit, Ben nous, face à ces enjeux-là, de répondre présent et de donner des solutions. Voilà, aujourd’hui, il y a un gros soutien fiscal. de la mécanisation agricole individuelle sur l’investissement individuel. Et aujourd’hui, c’est de dire, en tant que Cuma, en tant que collectif, on se positionne pour amener une autre vision, amener quelque chose de neuf qui finalement existe depuis toujours, l’entraide, mais qui finalement peut être l’avenir aussi de l’agriculture.
C’est à dire que, à plusieurs, un agriculteur peut se sentir soutenu, peut se sentir, Plus comment dire, plus confiante de faire des investissements et sans mettre en péril son exploitation. Nous, on a envie de répondre que les Cuma peuvent être l’outil qui permet à l’agriculteur Ben de rester à la aux manettes de sa ferme sans y être pour autant esclave. C’est-à-dire qu’en fait, avec la mutualisation de travaux, avec la mutualisation de salariés, il va pouvoir se dégager du temps, il va pouvoir vivre une vie plus moderne et qui ressemble un peu plus aux attentes aussi de cette nouvelle génération qui veut s’installer.
Et tout ça, en fait, on le porte parce qu’on est persuadé que ça peut être aussi la clé, là, de perdurer ce monde agricole. Et une aussi, une autre avancée fondamentale à laquelle on tient, c’est et finalement on l’a vu avec le contexte actuel, c’est à dire que il y a vraiment un fossé entre la société et le monde agricole. Nous, notre proposition dans le réseau Cuma pour faire un lien entre la société et l’agriculture, c’est qu’on a inventé un volontariat agricole, un volontariat agricole, ce qui en fait se traduit par un service civique.
Et en fait, ça va permettre à quelqu’un qui est non issu du monde agricole, qui est curieux de voir comment ça fonctionne. Eh bien de venir faire un service civique dans une Cuma, voilà. Et de découvrir un peu ce panel d’activités qu’il peut y avoir. Parce que c’est aussi l’avantage des coopératives d’utilisation de matériel agricole, c’est qu’elles regroupent plusieurs productions, plusieurs activités. Un salarié, un service civique ne fera pas la même tâche du jour au lendemain.
Ça va être des fois du service complet, vraiment de la conduite de matériel, mais ça va être de la mise à disposition sur l’exploitation. Donc en fait, ça va être découvrir un peu le panel large de ce qu’est l’agriculture. C’est à nous de faire ce travail de promotion de ce service civique, de le rendre accessible, de le rendre attrayant. Et que on est plus de volontaires.
Lola CLOS
Oui, donc on était un peu sur les défis. Et que peut la Cuma ? Ce qui est intéressant, particulièrement dans les Cuma et dans la Fédération, c’est que vous dépassez aussi un peu les intérêts politiques partisans qui peuvent diviser le monde agricole aussi à l’intérieur. Qu’est-ce qui fait toi que dans le monde agricole ? dis que la Cuma peut être, alors j’allais dire une porte de sortie à la crise, non, peut-être pas, mais en tout cas une lueur d’espoir, quelque chose qui réenchante le métier.
Marine BOYER
En fait, on est le reflet de ce qui se passe en local. Un voisin qui est syndiqué dans un syndicat, l’autre voisin qui est syndiqué dans l’autre syndicat, localement, ils vont se parler. Et en fait, dans la Cuma, les groupes, dès lors que les agriculteurs viennent pour parler du matériel, ils, tous les clivages politiques, syndicaux, etc., tout s’efface. Donc en fait, le réseau jusqu’au bout, jusqu’au national, il est régi par ça.
C’est-à-dire que pourquoi il n’y a pas de prise de position politique ou syndicale ? Tout simplement parce qu’on est le reflet des adhérents. Et les adhérents aujourd’hui, c’est 50% des agriculteurs en France. Donc 50% des agriculteurs, ça représente un panel d’agriculteurs qui viennent de tous bords et qui ont besoin eux juste de mutualiser. C’est à dire que c’est vu comme un outil et nous derrière en fait ça, reste un enjeu, c’est à dire que on souhaite pouvoir être entendus, être écoutés par tout le monde.
Alors, après des fois, ça marche pas, des fois on nous ouvre pas la porte. Mais voilà, l’intérêt c’est quand même que on reflète ce qui se passe sur le terrain aujourd’hui. Oui, le réseau Cuma, on peut être le lien entre ce monde agricole qui des fois aussi se comprend pas. Nous on peut se, on peut jouer ce rôle de lien. En tout cas d’intérêts communs on va dire, et c’est en ça que je dirais que ça donne un brin d’espoir, c’est parce que on peut créer une synergie que peut-être voilà, un syndicat ne pourra pas créer parce que trop clivant, ou et cetera.
Nous en fait, on peut se positionner en disant Bah voilà et Regardez les agriculteurs voudraient ça, nous on peut le porter avec vous, qu’est-ce que vous en dites ? Et du coup d’y aller à plusieurs.
Lola CLOS
Quel regard est-ce que tu portes toi aujourd’hui sur ces dernières dix années, de l’informatique à Montréal jusqu’aujourd’hui installée, cheffe d’exploitation, présidente des Cuma.
Marine BOYER
Je dirais que c’est un parcours en fait, c’est un parcours et je dirais que chaque étape a fait que je suis là aujourd’hui. Pas seulement en tant que présidente, mais en tant qu’agricultrice. Et donc je dirais voilà que c’est vraiment un cheminement et c’est pas des opportunités ou voilà. J’ai jamais été quelqu’un d’opportuniste donc c’est vraiment juste des moments de vie qui font que je suis là aujourd’hui, des expériences, des formations, du coaching et donc voilà, c’est.
C’est une accumulation de choses qui font que je suis là aujourd’hui et vraiment, aujourd’hui, je me sens pleinement épanouie, que ce soit dans mes fonctions, que ce soit dans mon métier et dans ma vie personnelle.
Lola CLOS
Quel regard portent tes parents, tes beaux-parents sur ce parcours-là, après les doutes qu’ils ont eus il y a 10 ans.
Marine BOYER
Aujourd’hui, ils sont rassurés, déjà sur notre situation économique quand on parle de l’entreprise. Donc voilà, ils sont là, ils sont pleinement rassurés, ils voient à quel point on est investi et à quel point on fait marcher notre entreprise. Donc là, il n’y a plus de doute. Évidemment qu’ils sont fiers de l’engagement que je dirais que nous prenons parce que finalement, oui, c’est moi qui suis présidente de la FNCuma, mais mon conjoint participe aussi à ça.
On est une équipe parce qu’en fait, sans, sans le fait que, déjà sans son soutien infaillible, mais aussi sans le fait qu’ils prennent à bras le corps notre entreprise. Donc on a quand même, voilà, des salariés de Cuma qui peuvent venir l’aider. On a quand même des aides, de l’entraide de la part des voisins, de la famille, etc. Néanmoins, c’est quand même lui qui pilote, qui chapeaute. Dès que je suis là, je l’aide au mieux. Mais sans ça en fait, voilà, je pourrais pas faire ce que je fais aujourd’hui.
Donc extrêmement reconnaissante pour ça. Et donc nos parents très ils sont, je pense qu’ils sont très fiers de ce qu’on a accompli tous les 2.
Lola CLOS
Ouais, une question juste logistique, ton mandat, il dure combien de temps ? C’est ce sont des mandats de 3 ans. Trois ans. Et ça représente quoi comme rythme pour toi ? C’est beaucoup d’allers et venues à Paris.
Marine BOYER
Oui, quand même. Il faut compter à deux, trois jours par semaine sur Paris ou en tout cas en déplacement. Donc en déplacement, ça veut dire sur des territoires, en région ou bien sur des salons, voilà. Mais ouais, on va dire que ça prend deux, trois jours de déplacement, mais il y a quand même pas mal de travail, d’écriture, de mail, etc. Et heureusement, maintenant, on a les oreillettes Bluetooth, donc c’est mieux.
Mais oui, il y a toujours un moment où on va dire que quand même, du lundi au vendredi, je suis dans mon poste. Je suis hors de la ferme vraiment deux à trois jours par semaine.
Lola CLOS
Et une dernière question, je te sors peut-être un peu de tous tes rôles, mais je la pose à tous les invités, c’est en quoi est-ce que tu crois ? En quoi est-ce que je crois.
Marine BOYER
C’est super dur ! Je crois en l’être humain. Je crois en l’être humain et à ses capacités à pouvoir avancer et à trouver des idées. Je crois en la créativité, en fait, en chacun de nous. Je crois que tout le monde est capable de tout. Je n’ai pas l’impression qu’on soit limité. Et d’ailleurs, tout le parcours, tout mon parcours, mais tout le parcours que les gens font, c’est la preuve qu’en fait, il ne faut pas se fier aux croyances limitantes, etc.
Dès lors qu’on veut entreprendre quelque chose, et bien si on s’en donne les moyens, alors on est capable de le faire. Donc, je crois à l’être humain et à sa capacité à être créatif. Merci beaucoup Marine. Merci à toi. Voilà, c’était tout.
Lola CLOS
Si vous voulez continuer sur ce sujet, je vous recommande l’écoute de l’épisode de Finta avec Marie-Thérèse Lacombe. Il est disponible dans la collection des pionnières de Finta. Merci d’avoir écouté ce nouvel épisode de Finta jusqu’au bout. J’espère qu’il vous a plu, inspiré, questionné et fait voyager peut-être. Viens me dire sur Instagram ou sur Fintapodcast.fr ce que tu en as pensé. Je suis toujours curieuse de vous lire pour faire grandir Finta.