Evaluation de mélanges d’espèces avec légumineuses en agriculture biologique dans un dispositif multi-acteurs en Anjou

  • Cultures associées
  • Projet INTERCROPVALUES

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Léane Lorion a poursuivi en 2025 le travail de Margot Petit réalisé en 2024, qui avait, dans le cadre du cas d’étude “CICS #10” du projet européen Intercropvalues. évalué les performances techniques de lentille cultivée en association en agriculture biologique. Passage en revue de ces nouveaux travaux. 

Ce projet, mené avec l’Union des Cuma Pays de la Loire et le GABB Anjou, vise à sécuriser la production locale de légumes secs biologiques pour la restauration collective angevine, tout en améliorant les chaînes de tri et de stockage. Là où Margot avait travaillé sur le suivi de parcelles de lentille associées, Léane a élargi l’étude à des mélanges d’espèces intégrant le pois associée avec de l’orge ou du petit épeautre.

En 2024, Margot Petit, avait étudié dans quelles mesures la culture de la lentille en association permettait de résoudre les problématiques liées à la culture pure. L’étude avait mis en évidence l’intérêt de l’association pour réduire la verse, sans affecter les rendements. En 2025, en raison des débouchés limités pour la lentille dans le secteur angevin, le groupe d’agriculteurs a souhaité élargir les légumineuses cultivées en association, toujours dans le but de produire des légumes secs de qualité pour l’alimentation humaine, avec des rendements jugés acceptables pour garantir une rentabilité économique des mélanges. Les objectifs des mélanges d’espèces étaient de : 

 

Léane Orion a donc posé la question de recherche suivante : « Dans quelles mesures les mélanges d’espèces conduits en agriculture biologique en Anjou permettent-ils d’atteindre les objectifs agronomiques visés ? ». 

In fine, les mélanges d’espèces choisis par les agriculteurs et leurs accompagnants ont intégré des légumineuses : lentille verte, lentille corail et pois, associés à diverses espèces : cameline, orge et petit épeautre.

De mars à septembre 2025, Léane a suivi douze parcelles de 0,5 à 4 hectares, réparties chez cinq agriculteurs bio du CICS #10 autour d’Angers. Les associations comprenaient des mélanges de lentille verte/cameline (6 parcelles), lentille corail/cameline (1 parcelle), lentille verte/orge (2 parcelles), pois/orge (2 parcelles) et pois/petit épeautre (1 parcelle). Chaque agriculteur a conçu son itinéraire technique avec l’appui de l’équipe projet, selon ses objectifs et débouchés.

Le diagnostic agronomique reposait sur un suivi de la qualité des semences (PMG et taux de germination), des densités (semées, potentielles et levées), de la dynamique de croissance (hauteur et verse), , des taux de grains bruchés, des pertes à la récolte, des biomasses et des rendements (sur pied, récolté et commercialisable). Les données ont été collectées en parcelle et complétées par des entretiens avec les agriculteurs.

Cette saison a été caractérisée par un début d’année pluvieux, qui a retardé les semis à cause d’un ressuyage insuffisant des parcelles. Puis un déficit hydrique persistant a été observé jusqu’en juillet, conduisant à une sécheresse précoce. Ces conditions ont fortement limité le développement végétatif et accentué la sensibilité des légumineuses à la verse notamment du fait d’orages intervenus en fin de cycle. Dans ce contexte, les associations avec des céréales, notamment l’orge et le petit épeautre, ont montré leur intérêt en jouant le rôle de tuteur. À l’inverse, la cameline s’est révélée peu performante du fait des difficultés d’implantation qui n’ont pas permis d’atteindre un peuplement suffisant pour qu’elle puisse assurer une fonction de tuteur. Dans trois parcelles de lentille/cameline, les lentilles sont restées si basses qu’elles n’ont pas pu être récoltées mécaniquement et n’ont ainsi pas pu être valorisées mais cette situation aurait été identique en culture pure. 

Les rendements ont reflété ces différences d’implantation et d’association. En sortie de moissonneuse-batteuse, les mélanges lentille/cameline ont produit entre 0,8 et 1,3 t/ha, tandis que les mélanges lentille/orge ont produit 0,6 t/ha et ce à base de pois entre 1,1 à 1,6 t/ha. Ces chiffres sont comparables aux rendements de la lentille cultivée seule en agriculture biologiques.

Les pertes à la récolte estimées au travers de la différence entre le rendement sur pied (mesuré par des bottillons) et le rendement effectivement récolté sont parfois considérables. Dans le cas des lentilles, elles atteignent 24 à 59 %, et jusqu’à 71 % pour les pois. Ces écarts s’expliquent par des hauteurs trop faibles, rendant la récolte mécanique difficile, mais aussi par des réglages imparfaits des moissonneuses. Une pré-fauche a été testée pour homogénéiser la maturité et anticiper la récolte avec des pertes estimées à 26 % contre 17 % en récolte directe dans le cas étudié.

Les bruches, insectes dont les larves se développent à l’intérieur des graines, ont fortement marqué la campagne. Le pourcentage de grains infestés variait de 7 % à 89 % selon les parcelles, avec une moyenne supérieure à 40 %. Les pertes de rendement liées à ces dégâts sont donc considérables car un grain bruché est un grain non commercialisable.

Les traitements post-récolte, par congélation (-18 °C pendant 10 à 30 jours) ou asphyxie au CO₂, ont montré une efficacité comparable. Par contre, contrairement à l’an dernier, ces traitements n’ont pas permis de réduire le taux de grains bruchés par rapport aux lots témoins conservés à l’air libre, du fait certainement d’un développement larvaire très avancé des bruches en lien avec les conditions climatiques particulièrement chaudes en fin de cycle. Malgré ces résultats, ces méthodes restent considérées comme indispensables pour interrompre le développement des larves et sécuriser la qualité sanitaire. La pré-fauche, pouvant permettre d’avancer la date de récolte, semble également un levier pour limiter l’ampleur des dégâts.

Enfin, aucune relation simple n’a été mise en évidence entre la biomasse cultivée et la biomasse des adventices du fait d’interactions complexes et très dépendantes du contexte pédoclimatique et des itinéraires techniques mis en œuvre.

Au-delà des performances agronomiques, le travail de Léane Lorion met en évidence un enjeu central : la gestion post-récolte. Le tri, le séchage et le stockage sont déterminants pour valoriser la production, notamment en alimentation humaine où les exigences de qualité sont élevées. Ces étapes impliquent des investissements en matériel  souvent trop lourds pour un producteur isolé (trieurs multiples et notamment optique couplés à des installations de stockage adaptées). La mutualisation via les Cuma apparaît comme une voie incontournable pour sécuriser la filière.

Le travail de Léane Lorion confirme que les cultures associées représentent un levier intéressant pour sécuriser la production de lentilles et de pois en agriculture biologique mais pour autant cette technique ne permet pas de résoudre tous les problèmes. Si certains mélanges, comme l’association pois/orge, ont montré une bonne compétitivité vis-à-vis des adventices et un rendement acceptable, d’autres, notamment l’association lentille/cameline, restent fragiles et difficiles à récolter mais il serait de même si la lentille était cultivée seule.

Les résultats mettent en évidence la nécessité d’approfondir la recherche, en multipliant les données et les contextes suivis pour mieux cerner les facteurs de réussite. Ils soulignent également l’importance des équipements de tri et de stockage, qui conditionnent le rendement réellement commercialisable. Pour les Cuma, ces enseignements ouvrent des pistes concrètes : développer des outils collectifs de tri adaptés, accompagner les agriculteurs dans la conception de mélanges pertinents et renforcer l’acquisition de références en réseau.

Le mémoire de Léane Lorion, disponible en téléchargement, propose un diagnostic détaillé par parcelle et des analyses approfondies des itinéraires techniques suivis. Il complète le travail réalisé par Margot Petit en 2024, et constitue une base précieuse pour poursuivre l’expérimentation et accompagner la montée en puissance des cultures associées dans le réseau Cuma.

Retrouvez les mémoires de fin d'étude en intégralité de Margot et Léane :