Giulia Marcocchia : « La FNCuma […] est au cœur des transformations des dynamiques d’acteurs »

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Dans le cadre du projet Décloisonnons, nous avons rencontré Giulia Marcocchia, chercheuse et professeur à l'École de Design CY.

Guilia Marcocchia

La FNCuma et CY École du Design ont récemment noué un partenariat dans le cadre du lancement de la chaire du design de la décision.

Peux-tu nous expliquer rapidement ce qu’est le design de la décision ?

Le design auquel nous nous intéressons à CY École de design n’est pas une discipline qui vise une spécialité, comme la réalisation d’objets ou de services. Il doit plutôt être interprété comme une culture de la transformation, applicable à tout domaine dans lequel il est nécessaire de créer ce qui n’existe pas et qui doit répondre à des performances de soutenabilité pour le vivant. Nos recherches portent donc sur les théories et méthodologies de conception de produits, de services, de processus qui répondent aux enjeux sociétaux actuels, dans une perspective systémique – c’est-à-dire avec une vision globale prenant en compte l’ensemble des interactions entre les composantes de la société.

Nous vivons un contexte à la fois global et local, très instable, dans lequel le processus traditionnel de prise de décision, à savoir séquentiel et linéaire, ne peut plus s’appliquer pour faire face à ces enjeux.

Les décisions des parties prenantes se situent désormais dans des dynamiques en réseaux, avec des allers-retours et des boucles de rétroaction. Le design peut apporter des méthodes et des réponses pour analyser les processus et fournir de nouveaux outils de décision.

À CY École de design, nous interprétons le processus de décision comme un processus créatif dans un contexte systémique, dans lequel il faut rendre lisibles les modalités d’interactions entre les parties prenantes afin, d’une part, d’éclairer la trajectoire de ces parties prenantes vers des performances soutenables ; d’autre part, de leur permettre de réinterroger des décisions prises afin de pouvoir construire leur capacité de résilience dans le système.

Nous souhaitons ainsi contribuer à la construction de connaissances pour les transitions soutenables par l’étude des processus et l’utilisation des outils du design de la décision, en se situant à différentes échelles géographiques et temporelles, portant particulièrement sur :

  • des méthodologies d’exploration de l’inconnu,
  • des méthodologies de représentation des futurs possibles et systèmes complexes,
  • des processus et formats de médiation entre acteurs hétérogènes,
  • des processus et formats d’accompagnement au changement,
  • le déploiement des outils du processus de la décision.

La Chaire de recherche en Design de la Décision a ainsi été créée dans l’objectif de définir les modalités de décisions soutenables, visant des résultats tangibles en termes de collaboration et d’échange de connaissances parmi les partenaires, et de création d’outils et méthodologies.

Peux-tu nous expliquer rapidement ce qu’est le design de la décision ?

La FNCuma est un partenaire clé de la chaire car il est au coeur des transformations des dynamiques d’acteurs qui déterminent la transition écologique du secteur agricole. La structuration du réseau Cuma à plusieurs échelles géographiques, ainsi que la capacité à faire dialoguer les acteurs autour du partage des ressources – et pas seulement de la machine agricole – afin de faire évoluer les comportements, nous ont paru des éléments clés pour contribuer à nos objectifs scientifiques et sociétaux.

Ensemble nous pouvons contribuer à :

  • éclaircir comment explorer ensemble l’inconnu de cette transition,
  • découvrir les dimensions clés pour co-construire un futur désirable,
  • définir des processus et des outils qui permettront des prises de décisions à des échelles géographiques différentes, mais complémentaires,
  • harmoniser à court, moyen, et long terme, les actions des parties prenantes de l’écosystème agricole soutenable.

L’intégration des compétences et connaissances de la FNCuma et de son réseau pour la transition de cet écosystème s’inscrit donc complètement dans les objectifs sociétaux de la Chaire.

La FNCuma pilote le projet DECLOISONNONS dans lequel sont associés 7 partenaires du développement agricole et rural, et de l’économie sociale et solidaire. Ce projet vise à identifier et mettre en œuvre des modalités permettant de créer des liens durables dans les territoires entre agriculteurs et citoyens. Tu as pu assister à 2 séquences de travail avec les partenaires de ce projet.

En quoi ce projet t’apparait-il intéressant pour appliquer les méthodes du design ?

Le projet Décloisonnons vise à mettre en commun des pratiques que les partenaires découvrent être complémentaires pour la structuration au sens de l’infrastructuring. En sciences du design, par ce mot on signifie le processus permettant de cartographier un ensemble d’acteurs et leurs interactions dynamiques, dans l’objectif de recherche de consensus parmi le foisonnement des perspectives, préoccupations, intérêts et intentions des parties prenantes.

Il me parait très pertinent d’appliquer les méthodes de design sur ce projet car il nécessite d’être dans un processus itératif d’exploration progressive, d’analyse des représentations des uns et des autres pour pouvoir créer une vision commune. Il faut que les parties prenantes co-créent des pratiques qui aient au coeur l’humain, citoyen et agriculteur, pour successivement les tester et les faire évoluer. Il faut s’approprier du futur en le co-construisant !

Que penses-tu pouvoir apporter à ce collectif pour atteindre ses objectifs ?

Le coeur de mes recherches porte sur l’alignement des parties prenantes visant l’émergence d’un écosystème, ainsi qu’au rôle des outils dans ce processus d’alignement.

Je peux apporter :

  • l’analyse et la visualisation du positionnement de chaque participant dans l’écosystème, en cartographiant le réseau des valeurs pour chacun et dans l’ensemble des relations,
  • la compréhension de ce qui crée des distances parmi les acteurs, pour contribuer à faire sens des représentations différentes des uns et des autres, et à travers la co-création d’outils (pour représenter les intérêts des participants par exemple), résoudre les divergences de représentations, et des décisions qui en dérivent,
  • la définition d’un processus de prise de décision pour l’intégration des pratiques des participants visant la création du lien à plusieurs échelles géographiques.

Et puis, j’imagine d’autres contributions qu’il n’est pas possible d’envisager à présent, car elles apparaitront selon les résultats d’exploration d’inconnu que l’on vivra pendant le projet.

Plus d’informations sur le projet

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DÉCLOISONNONS

2024-2025

Favoriser les dialogues entre le monde agricole et la société civile afin de faciliter la compréhension des actions des agriculteurs sur un territoire.

En savoir plus sur le design de la décision